Un fruit savoureux dégusté ? Pourquoi ne pas récupérer le noyau pour multiplier un bout d’âme que l’on pourra un jour retrouver dans son jardin ? Les noyaux se prêtent très bien à conserver les caractéristiques des parents contrairement à beaucoup de pépins.
Dans la nature, la plupart des graines dormantes d’arbres fruitiers ne germent jamais avant l’hiver car elles ont besoin d’une période de froid (entre 0 et 6 °C) comprise entre 10 à 16 semaines pour lever la dormance.
C’est ainsi, que copier la nature nous amène à réaliser une stratification (cf. ci-dessous) qui nous garantira de meilleurs résultats.
Dans cet article, je me concentre sur les noyaux dont le traitement peut commencer plus tôt que les pépins. Pour plus d’infos au sujet des pépins (plus facile), je vous invite à consulter l’article « La stratification des graines d’arbres fruitiers ». Pour une synthèse des opérations à réaliser sur la plupart des fruitiers à noyaux, consultez le tableau de stratification et semis en fin de cet article.
Pourquoi semer plutôt que greffer les fruitiers à noyaux ?
Les fruitiers à noyau donneront un pivot vigoureux et profond qui garantira une longévité et une production accrue. Le croisement et la variabilité génétique vous permettront d’obtenir des plants plus adaptés au climat. Plusieurs arbres comme les pêchers et les reine-claudiers ont besoin d’être renouvelés après quelques décennies car ils peuvent se fragiliser avec l’âge et le poids de certaines productions. Je me rappelle encore dans mon enfance un reine-claudier qui croulait sous les kilos de fruits. Une dernière grosse production lui a été fatale : il s’est fissuré et par la suite il commençait à pourrir dans les anfractuosités.
L’évolution et la découverte de nouveaux cultivars est un grand plaisir. Il faudra parfois attendre plus longtemps pour obtenir des fruits. Néanmoins, la vigueur de plants issus de semis peut parfois aider le plant à obtenir des fruits très rapidement. Un exemple qui m’a frappé : j’ai obtenu en 2022 au Potager du Gailleroux des pêches de vigne sur des arbres issus de semis en 4 ans. Un arbre m’a produit une centaine de pêches et l’autre une cinquantaine la première année de fructification ! A l’opposé, une fertile de septembre greffée végète depuis son installation. J’y obtiens chaque année une petite dizaine de pêche mais la cloque y est bien présente et j’ai peur chaque année qu’il se fragilise sur les dernières branches encore vivantes. Je reste persuadé que seul les semis me donneront de belles surprises acclimatées à mon terrain car j’accepte de tester toute une diversité d’individus. Seuls les plus résistants et les plus beaux seront conservés.
Les fruitiers à noyaux issus de semis ont la réputation de la garantie de fruits de beau calibre et dégénèrent peu. Les cerisiers sont souvent une exception à cette règle. On obtient des fruits de petite taille.
Sans essai, on n’obtiendra jamais rien de nouveau et on occultera la chance de découvrir une nouvelle merveille. Seule la répétition et l’expérimentation nous ouvrira la voie de cultivars à période de floraison variée propice pour étaler la production dans le temps de nos fruits préférés. C’est certes aléatoire, mais nos anciens ont confirmé notamment du côté de Liège que les pêchers issus de semis étaient très fructueux. Ce savoir, cette curiosité et la simplicité de la graine nous titille à explorer cette manière de multiplier les fruitiers à noyaux.
La stratification
La stratification est l’action de superposer des couches de graines entre des couches de sable ou de terre. Ce mot dérive du latin stratum qui signifie couche ou lit. C’est en fait un semis provisoire. On place les graines dans des conditions idéales qui permettront une meilleure germination au moment du semis définitif.
Cette stratification permet d’avancer la germination et surtout pour les graines qui ne germent pas dans l’année du semis. Le fait de stratifier permet aussi de protéger les noyaux contre les rongeurs. L’idée de ramollir les noyaux avance la germination. Ce ramollissement se fait de manière uniforme jusqu’à ce que le l’embryon absorbe l’humidité et se gonfle. En poussant sur ses enveloppes, l’embryon ouvre le noyau dans la zone la plus faible.
Pour plus de détails pratiques de cette stratification, je vous invite à lire l’article : « La stratification des graines d’arbres fruitiers ».
Il est important lors de cette stratification de contrôler l’humidité du mélange. Si une graine germe, il faudra alors la placer en condition idéale pour le semis. Pour une stratification froide, le contrôle devrait s’effectuer toutes les deux à trois semaines. Quand on se rapproche du moment du semis, on devrait rapprocher le contrôle à chaque semaine. Il faut éviter d’avoir un germe en stade trop avancé avant le semis.
Casser les noyaux
Lorsqu’on bypasse cette stratification en cassant les noyaux, on ne sélectionne pas les individus les plus forts c’est-à-dire ceux qui sont assez vigoureux pour ouvrir le noyau. On se retrouve alors avec des individus chétifs, peu résistants aux ravageurs et aux maladies.
Je vous invite donc à réaliser une stratification plutôt qu’un cassage. Néanmoins dans certains cas où les chances de réussites sont plus réduites, cette solution peut être envisagée en dernier recourt.
Pour casser un noyau, on se munit d’un marteau et on le positionne sur la tranche. En frappant plusieurs fois sur la pointe, on casse les téguments. La graine souvent sèche à l’intérieur peut alors se placer entre deux niveaux de tissus humides. La graine se réhydrate. Après quelques jours quand les germes apparaissent et on sème les jeunes plantules dans le substrat adapté, souvent un terreau de semis.
Préalable pour augmenter le pouvoir germinatif des noyaux :
Jeter les noyaux dans un bocal rempli d’eau permet de sélectionner les noyaux fertiles. On laisse ensuite tremper 24 ou 30 heures.
Durée de conservation
Les noyaux peuvent se conserver quelques années, néanmoins mon expérience personnelle me confirme que les noyaux de moins d’un an auront la vigueur maximale.
Le semis de noyaux en pratique
Le semis se fait dans un terreau de semis, et le substrat doit recouvrir le noyau d’une hauteur de 2 à 3 fois celle de l’épaisseur du noyau. Il peut s’opérer en terrine, en godet, en cellules tout dépend du nombre de noyaux dont vous disposez. N’hésitez-pas à densifier vos semis à 1 ou 2 cm d’espacement si les noyaux sont plus vieux car tous ces semis monopolisent beaucoup de place.
Semis de noyaux en place
L’idée de semer en place donnera des sujets vigoureux qui persisteront beaucoup plus longtemps que les autres sujets. L’inconvénient est qu’il faudra souvent attendre deux ans avant de voire apparaitre les jeunes arbres.
Cette manière de procéder est à considérer avec prudence surtout si vous avez beaucoup de rongeurs sur place. Ils pourraient alors endommager tous vos noyaux.
Conclusion
En conclusion, je vous invite à tenter le semis de noyaux de fruitiers. Il faudra les tremper, les stratifier et finaliser avec le semis de printemps dans des conditions chaudes.
Pour se donner une idée des périodes de stratification et de semis, je vous transfère ci-dessous un tableau personnel que j’ai mis en place pour m’organiser durant la période hivernale. Ces données sont transmises à titre indicatif et ne sont pas précise à la semaine près. Elles peuvent s’adapter à votre propre situation (exposition, serre, fenêtre de votre habitation, chauffage disponible, ravageurs sur votre terrain, cave froide de stratification, volume suffisant au frigo, etc.).
Si nous sommes plus nombreux à tenter l’expérience, c’est le gage pour les générations futures d’une multitude de nouveaux fruits et variétés parfois exotiques même en Belgique ! Ce potentiel ne viendra pas uniquement des pépiniéristes mais d’une multitude d’acteurs passionnés et curieux !
Bibilographie
- BODIN, S., 1830. Annales de l’Institut Royal Horticole de Froment. Tome second. Imprimerie de Mme Huzard, Lyon, France, 412 p.
- ISABEAU A., 2008. Traité des arbres fruitiers. Université de Gand, Gand, Belgique. 196 p.
- FARELL H., 2016. Plantez vos noyaux ! Faire pousser ses fruits à la maison, sur le balcon, au jardin… à partir des noyaux et des pépins, Octopus Publishing Groupe Ltd, London, Great Britain, 144 p.
- SUSZKA B. et al., 1994. Graines des feuillus forestiers : de la récolte au semis. Editions QUAE GIE, France, 292 p.