Introduction

Les amaranthes sont des plantes herbacées annuelles exceptionnelles répandues dans le monde entier. Pendant des millénaires, elles ont nourri et été la base de l’alimentation notamment en Amérique, en Afrique ou en Asie et également valorisées pour leurs multiples usages médicinaux. Diabolisées à tord au temps des conquêtes espagnoles, elles ont été exterminées de plusieurs régions du monde. En secret, dans des zones reculées elles ont survécu avant de se dévoiler à nouveau au 20^ème siècle. Il est temps de les reconsidérer comme faisant parties de notre histoire mais également comme un potentiel important de notre alimentation.

Les amaranthes font partie d’une famille particulière les amarantacées. Ce nom a été conçu par Linné à partir des mots « amaranthos » et « anthos » soit « des fleurs qui ne flétrissent pas ». En effet les inflorescences ne perdent pas les fleurs même une fois sèches. L’inflorescence est souvent composée de fleurs mâles et femelles séparées comme c’est le cas également pour le maïs. Ces inflorescences immortelles ressemblent à s’y méprendre à la coiffe du serpent à plumes maya Quetzacoatl.

Les amaranthes sont des espèces végétales très perfectionnées et dotée d’une photsynthèse en C4 ce qui leur permet de réaliser la photsynthèse lorsque la température et le rayonnement est élevé.

Le genre Amaranthus comprend plus de 70 espèces dont 40 sont originaires d’Amérique. La frontière reste floue encore aujourd’hui entre plusieurs espèces. Certaines d’entre elles peuvent se croiser. Les biologistes ont souvent distingué plusieurs espèces pour des raisons morphologiques alors qu’elles ne faisaient en fait partie qu’une seule entité génétique.

Quelles sont les espèces d’amaranthe les plus connues ?

Je synthétise ici les espèces les plus cultivées à travers le monde :

• Amaranthus blitum L. ou amaranthe blette : déjà connue des Romains en Europe, cette amaranthe était cultivée pour ces feuilles. Son nom évoque les bettes (ou blette) car cette variété de betterave se consomme un peu de la même manière.
• Amaranthus tricolor L. ou épinard chinois : originaire des Indes que l’on rencontre aussi en Chine et dans les parties les plus méridionales de la Russie. Elle est assez rare en Afrique. Les feuilles sont rayées d’écarlate, de jaune et de vert. Les fleurs mâles n’ont que trois étamines. Elle est plutôt ornementale. Cette espèce est une herbe potagère en Inde, Asie du sud et du sud-est, en Chine et au Japon. On la cultive aussi en Afrique de l’Ouest et dans les Antilles. Cette espèce est surtout utilisée comme un légume-feuille cuit.
• Amaranthus caudatus L. ou amaranthe à Queue-de-renard cultivée depuis très longtemps dans les Andes et notamment par les Incas. On consomme tant les feuilles que les graines de cette espèce. Il est relaté qu’ont valorisait aussi cette amaranthe sous la forme de friandises en ajoutant à la farine du sucre.
• Amaranthus hypochondriacus ou amanranthe hypocondriaque ou élégante : comestible pour les graines et les feuilles. Cette amaranthe est originaire d’Amérique du Nord. Elle est probalement l’espèce hybride entre Amaranthus cruentus et Amaranthus powellii. On cultive cette amaranthe partout dans le monde que ce soit dans les régions tropicales et tempérées. On utilise beaucoup cette espèce pour sa graine en Amérique et en Asie. On appelle au Mexique ses produits dérivés sous le nom de zoale pour la pâte et alégria pour le gâteau et la confiserie. En Himalaya, le pain est préparé à partir des graines. La plupart des variétés ont des grains pâles.
• Amaranthus cruentus L. ou l’amarante rouge. Synonyme : paniculatus, sanguineus ou hybridus. Elle a été domestiquée à partir de l’Amaranthus hybridus. Ce légume est aujourd’hui présent dans toute l’Afrique et en Inde, au Népal, au Bengladesh, au Sri Lanka et dans les Caraïbes.

Récolte des graines d’amaranthe

Les amaranthes sont prodigieuses d’abondance : un seul plant peut donner jusqu’à 300 000 graines !

La durée de vie des graines d’amaranthes dépasse régulièrement les six ans. La littérature mentionne des germinations jusqu’à dix ans.

La maturité des graines prend un temps assez long pour la plupart des amaranthes intéressantes. Le plus simple est d’encore tapoter de la main les inflorescences et les graines matures tombent d’elles-mêmes quand elles sont mures. Cette maturité survient souvent lors des premières gelées. Pour augmenter le nombre de graines matures, on peut les laisser sécher une à deux semaines en bouquets suspendus ou à l’intérieur dans des cagettes dans les quelles ont peut déposer un papier absorbant afin d’éviter toute moisissure.

Notez que la plante se polonise principalement par le vent mais aussi parfois par les insectes (abeilles et mocuhes). Pour l’espèce Amaranthus cruentus, on recommande une distance de 200 m avec d’autres parcelles d’Amaranthus hybridus.

Les oxalates

Les amaranthes contiennent comme la plupart des chénopodiacées des oxalates à éviter en excès. Ils provoqueraient des calculs rénaux à forte concentration. Néanmoins ceux-ci peuvent être éliminés en faisant bouillir les feuilles pendant 10 minutes ou en les cuisant à la vapeur. Les amaranthes contiennent des teneurs en oxalates comparables à d’autres légumes tels que les épinards donc il n’y a pas de raison de s’affoler tant que la feuille n’est pas trop consommée crue. La littérature mentionne qu’il n’y a aucun effet négatif pour une consommation comprise entre 100 et 200 g/jour.

Vertus des amaranthes

Les amaranthes sont des superaliments plus riches en protéïnes que les céréales (> 14 %). Elles ont un très bon équilibre en acides aminés essentiels. Elle contient deux fois plus de lysine que les céréales ce qui donne une protéine complète de très haute qualité.

Les amaranthes ont une forte teneur en micronutriments essentiels dont le fer, la vitamine C, la vitamine B1 et vitamine B2. L’amaranthe était réputée tellement riche en nutriments qu’elle donnait de la vigueur aux Aztèques.

Les amaranthes sont très utilisées pour leurs nombreuses vertus médicinales. On les valorise contre les hémorragies, en cas de fièvre, d’anémie, d’affections rénales, contre inflammations, les furoncles et abcès. Certaines espèces comme Amaranthus spinosa sont utilisées en cataplasme pour les problèmes de peau, le mal d’oreilles, comme antidote contre les venins de serpents, contre les maux d’estomacs, etc.

Comment cuisiner les amaranthes ?

Selon l’espèce, il existe une multitude de façons pour consommer l’amaranthe :

La feuille

• La feuille est parfois mangée crue et c’est souvent le cas en Asie
• L’idéal pour consommer la feuille est de la bouillir à l’eau ou la cuire à la vapeur pendant une dizaine de minutes. Pour éliminer les oxalates, l’eau de cuisson est jetée. Cette feuille remplace à merveilles l’épinard dans les lasagnes.
• La feuille est souvent incorporée dans des soupes. On peut les cuisiner dans des soupes, les faire sauter. Dans la cuisine créole, on réalise une soupe de lentilles et d’amarante avec du curry et de lait de coco.
• Sauce : la feuille séchée et réduite en poudre comme on le ferait avec la feuille de tilleul donne une très bonne sauce.

La graine

• La graine soufflée à la poêle est délicieuse notamment au déjeuner ou saupoudrée sur des biscuits ou du pain.
• A partir de la graine grillée, on fabrique une farine (moudre au moulin) que l’on peut mélanger à de la farine de céréales pour réaliser des tortillas ou des crêpes
• La graine peut être bouillie pour former un gruau que l’ont peut couper en lamelles à consommer cru ou réchauffé à la poêle. Après cuisson, l’amidon de l’amaranthe est particulièrement gluant comme celui du riz. C’est une piste intéressante aussi pour la fabrication de galettes végétales complètes en protéïnes. L’idée serait d’incorporer des épices, d’autres légumes pour avoir une galette gouteuse qui tient bien.

L’inflorescence

Les jeunes inflorescences peuvent être cuites à l’eau pour ressembler à des asperges.

Les tiges

Les jeunes tiges d’Amaranthus cruentus sont parfois frites dans de l’huile.

Associations avec les amaranthes

L’amaranthe est souvent cultivée avec du maïs comme en Amérique du sud et en Ethiopie. On le sème souvent en ligne adjacente à la ligne principale de maïs ou haricot.

Histoire des amaranthes et conclusion

Au XVIème siècle, le conquistador Fernando Cortez fit tout pour éliminer les amaranthes qui étaient un des piliers de l’alimentation aztèque.

Les Aztèques utilisaient une pâte appelée tzoalli composée de différentes graines dont l’amaranthe pour leurs fêtes. Ils fabriquaient plusieurs statues de différents dieux. Ces statues étaient consommées et comportaient parfois du sang humain. Cette pratique était diabolisée. Les Espagnols et la Sainte Eglise catholique ont donc interdit la vente et la consommation d’amarante sous peine de mort.

Avant la conquête du Mexique, la capitale aztèque de Tenochtitlan disposait d’une tribu de 20000 tonnes de grains d’amarante des espèces Amaranthus hypochondriacus et Amaranthus cruentus.

La plante était pour les Aztèques le symbole de l’immortalité et référait à la divinité Quetzacoatl.

Heureusement, cette plante fut cultivée en secret dans des endroits inaccessibles du Mexique et des Andes ce qui permis son existence jusqu’à maintenant. Aujourd’hui la National Academy of Science des Etats-Unis et l’Unicef recommandent la consommation d’amaranthes. Ce sont des espèces importantes pour compléter notre alimentation et combler des déficits en acides aminés essentiels.

On a recommencé à cultiver l’amarante dès les années 1900 sans peine de voir la plante nous pervertir. Comme toujours ce qui fait peur ou ce qui est incompris est diabolisé. Toucher à un des pilliers de l’alimentation américaine a probablement accentué « la facilité » avec laquelle les Conquistadors ont conquis le continent américain.

Compte tenu de l’usage mondial de toutes ces espèces d’amaranthes, il est important de les reconsidérer comme un pilier de notre alimentation. Nous n’avons pas encore aujourd’hui identifié tous les avantages de l’inclure dans nos plats et nos jardins. Il reste à explorer plusieurs espèces comme Amaranthus cruentus, Amaranthus hypocondriacus, Amaranthus caudatus et Amarenthus blitus. Ce sont des espèces déjà bien testées en Europe, adaptées à notre climat et aux vagues de sécheresses que nous subissons.

Bibliographie

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Tessier A. E., 1787. Encyclopédie méthodique. Agriculture. Tome premier. Panckoucke, Paris, France, pp. 463-469.